Comité local de Bordeaux

Compte rendu 1ère réunion AdA 33

Plus de 300 personnes ont répondu à l'invitation du comité girondin de l'Appel des appels. Dans une atmosphère musicale, ponctuant les séries d'interventions d'excellents morceaux de jazz, s'est tenu un remarquable moment de rencontres, d'écoute, de réflexions mutuelles ; bref un réel moment de construction collective.L'après-midi du 1er mai, date hautement symbolique, avait été choisi pour cette manifestation qui a débuté à 16 heures à la salle Albert Delteil à Bègles (33). L'organisation avait prévu trois temps d'interventions regroupées par secteurs professionnels, avec une prise de parole de 10 minutes par intervenant et un moment d'échanges d'une vingtaine de minutes après les interventions des praticiens.

La première série d'interventions a réuni des personnes travaillant dans le secteur de la culture, de l'information et de la justice. À propos de la culture, le public a pu appréhender de façon concrète le démantèlement de services publics réduits au rôle de « divertisseurs » et la transformation du spectacle vivant en ce qui est désormais désigné comme une « industrie créative ». Pour l'information, c'est d'abord la précarité des journalistes (1 sur 5) et la crise ouverte par la réorganisation de France TV en « pôles régionaux » qui ont été décrits, avant un plaidoyer pour une télévision dont chacun devrait « pouvoir tirer quelque chose pour sa propre vie, sa propre vision du monde ». En ce qui concerne la justice, un secteur où la dimension humaine se voit bafouée et évacuée des pratiques, l'accent fut mis sur le poids de la logique économique qui inspire les réformes jusqu'à dénaturer le sens même des missions (atteintes au pouvoir de juger, jugement de l'acte et non plus de l'homme, ...).

La deuxième série d'interventions a porté sur l'éducation et a exprimé les attaques portées aux pratiques professionnelles et aux valeurs de l'école publique, de la maternelle à l'université. Les menaces pesant sur l'école maternelle et les projets de privatisation des structures d'accueil pour la petite enfance ont d'abord été évoqués, reliés aux aberrations actuelles concernant les rythmes scolaires imposés aux enfants, avec le lot de souffrances qu'ils impliquent. Il a ensuite été question de la formation des enseignants, avec la dénonciation de l'idée que l'on pourrait soudain faire mieux avec un personnel sans réelle formation. Un éclairage a été apporté sur la paupérisation croissante de l'école publique et sur l'aspect destructeur d'une pression évaluative qui ne vise pas réellement à améliorer la qualité du travail réalisé. Les effets dramatiques de la destruction des RASED ont été soulignés, en termes de discrimination sociale et d'abandon des enfants concernés. Enfin, les conséquences néfastes de la LRU ont été présentées : soumission de l'université aux lois du marché et de la concurrence professionnelle.

La troisième série d'interventions s'est intéressée au secteur médico-social. Ont été dénoncés les nouveaux modes de financement de l'hôpital public qui tendent vers la marchandisation sélective des soins les plus rentables, excluant ceux qui n'autorisent pas de profit. Plusieurs intervenants ont montré combien l'introduction d'une évaluation des pratiques éducatives, cliniques et thérapeutiques, calquées sur le modèle du management industriel, éliminait la dimension subjective, déstabilisait les équipes et vidait les actes professionnels de tout sens. De semblables menaces pèsent sur la place de la psychanalyse dans les institutions ainsi qu'à l'université. C'est une sorte d'exil qui semble promis à cette discipline. Et ce constat s'aggrave pour la transmission des textes fondamentaux (psychanalyse, psychologie clinique, sciences humaines en général). Nous assistons au déchaînement d'une haine de la pensée à l'université. Quant à la situation de la médecine, une praticienne a témoigné de la dégradation de l'accès aux soins pour les populations les plus démunies et donc les plus fragiles.

Ces trois temps se sont chacun prolongés par un échange riche et dynamique avec le public. Les prises de parole ont porté sur les dérives d'une société soumise aux seules valeurs marchandes et sur les dangers de précarisation et de négation de l'homme en tant que sujet. La mise en synergie des différents points de vue, énoncés de façon non exhaustive bien entendu, a permis que commencent à s'élaborer de nouvelles perspectives d'action commune.
Plateforme d'analyses transversales et d'élaboration d'actions réfléchies, l'Appel des appels se donne pour mission d'offrir un espace de résistances conjointes face à « la destruction volontaire et systématique de tout ce qui tisse le lien social » ainsi que l'indique sa charte.

Une prochaine rencontre, d'abord prévue en juin, a été reportée au mois d'octobre pour nous permettre de mieux l'organiser (le lieu reste à préciser : l'info sera envoyée aux inscrits à notre liste de diffusion et mise en ligne sur site de l'Appel des appels ). Elle se donnera pour objectif de poursuivre la réflexion en abordant plus précisément le thème de l'évaluation qui semble être une des armes privilégiées d'un gouvernement pressé de dévaluer les personnes, de détruire les services publics et de catégoriser les individus pour mieux les stigmatiser et les soumettre.


Annick Ventoso y Font, Florence Briolais, Michel Mesclier, Patrick Geffard
pour le comité local