La philosophie et l'offre de culture

par Barbara Cassin

La philosophie, sous nos cieux du moins, a toujours eu deux faces, perméables l'une à l'autre.

La première face, c'est la mesure critique du quotidien, un regard distancié, plus ou moins armé conceptuellement, sur ce qui est et ce qui arrive. Ce regard est susceptible du meilleur et du pire. Le pire ? Un mélange d'hyperconformisme (« moraline » docte) et de provoc (Freud démasqué ?) qui peut faire mouche, ou mousse, médiatique, mais dont on a du mal à se passer. Le meilleur ? « Tous les hommes désirent naturellement savoir », grand fleuve tranquille par lequel commence ce qu'on appelle la Métaphysique d'Aristote ; mais aussi, pour moi, Arendt chroniquant le procès Eichmann à rebours des attentes, ou l'Unesco créant un réseau mondial de femmes philosophes pour relier celles qui tentent de poser des questions en Europe, en Afrique ou sous les talibans avec comme première question impertinente : qu'est-ce que le genre a à voir avec la vérité ?

La seconde face, liée, c'est l'histoire de la philosophie. Je sais pourquoi j'ai décidé de « faire » de la philosophie : j'ai trouvé stupéfiant, en classe de philosophie, que l'on puisse se demander si Dieu/des dieux existent, ou qu'est-ce que penser. Encore plus stupéfiant que l'on instruise ces questions à partir de la manière dont les autres, ceux d'ailleurs et ceux d'avant, des présocratiques à la triade d'alors Nietzsche-Marx-Freud, les ont posées et travaillées. Et définitivement magnifique que lire et penser ainsi avec d'autres puisse devenir une profession avoir pour métier sa passion, disait Merleau-Ponty.

La culture, c'est ce que l'on offre. C'est ce qui vous intéresse sans que vous puissiez vous y attendre. C'est parce que l'on offre du théâtre ou de la philosophie que le théâtre ou la philosophie peuvent déterminer la vie de quelques jeunes gens qui n'en ont jamais entendu parler. L'offre, et non la demande, voilà évidemment ce qui définit une politique culturelle.

Lire l'article sur le site de l'Humanité

  • La librairie Maupetit, située au cœur de Marseille, accueille le vendredi 21 février à 18h00 un débat inédit organisé par le comité Bouches-du-Rhône de l’association L’Appel des appels. Cet événement rassemblera quatre intervenants de renom...
  • Faroudja Hocini et Bruno dallaporta : deux médecins, l’un soigne plutôt les corps, l’autre plutôt la psyché. Tous deux sont philosophes, l’un façonne les visions, l’autre les raconte et appelle par le verbe.  Engagé-es dans la cité et...
  • Dé-civilisation
    A l'occasion de la sortie de son livre "Dé-civilisation, les nouvelles logiques de l'emprise", paru aux éditions Les Liens qui Libèrent. Roland Gori discutera avec Jean-Marc Coppola, adjoint au maire chargé de la culture, Alain Hayot, professeur...
  • Le 22 janvier 2025, l’Appel des Appels, l’association Théâtre des Images et la Compagnie Calvero proposent un temps de réflexions et d’échanges autour de l’œuvre du grand dramaturge André Benedetto et en particulier de la pièce Thermidor.