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Il est maintenant bien connu que l'organisation mondiale du commerce (OMC) préconise la libéralisation de tous les services, notamment depuis l'accord général sur le commerce des services (AGCS) et que l'union européenne se fonde, de son côté, sur le libre marché et la concurrence non faussée, pour le meilleur et la liberté de chaque individu. Cette orthodoxie libérale est, selon les temps et les pays, plus ou moins régulée par les États (et les collectivités territoriales) bien que cette régulation soit, par principe, interdite par les traités communautaires (article 107 de l'actuel traité de fonctionnement de l'UE) sauf si cette interdiction porte atteinte aux missions d'intérêt général incombant aux États (article 106-2 TFUE). Autrement dit, c'est seulement par dérogation et sous surveillance communautaire pointilleuse que les services sociaux et d'autres fonctions collectives (santé, logement, etc.) peuvent être financièrement soutenues.
Dans la doxa communautaire, en vertu du principe de subsidiarité, c'est à chaque État de désigner ses propres services d'intérêt général (SSIG) et de les mandater. Mais il y a plusieurs sous-catégories : Les services d'intérêt économique général (SIEG) sont des services économiques auxquels les autorités publiques assignent des obligations de service public (OSP). Les services non économiques d'intérêt général (SNEIG) opèrent dans le champ régalien. Enfin, mal identifiés dans les textes communautaires, les services sociaux d'intérêt général (SSIG) comprennent les régimes légaux de Sécurité sociale et les prestataires dans différents domaines. Tout SSIG est donc un SIG mais peut être aussi un SIEG (sauf rares exceptions régaliennes) car, même sans but lucratif, toute prestation sociale est une activité économique sur un marché, même si le bénéficiaire ne la paie pas directement. C'est cette classification que nous contestons.
Une première directive relative aux services dans le marché intérieur (Bolkestein) amalgamait les différents types de services (commerciaux, sociaux, etc.) et il a fallu une levée de boucliers au Parlement européen pour en exclure les services non économiques d'intérêt général, ceux participant à l'exercice de l'autorité de l'État, les services de santé et certains services sociaux.
Promulguée le 12/12/2006, la directive modifiée devait impérativement être transposée dans chaque droit national avant la fin 2009 entraînant des inquiétudes légitimes des autorités publiques et des opérateurs sociaux (associations notamment). Pour ce faire, comme l'Allemagne et par différence avec les autres États membres, le gouvernement français a choisi de ne pas procéder par la loi mais par des ajouts réglementaires dans le droit interne, évinçant ainsi le parlement.
La proposition de loi sur les SSIG déposée à juste titre mais tardivement par les députés socialistes, radicaux, citoyens, divers gauche et apparentés ne pouvait qu'être rejetée le 26 janvier dernier après avoir été jugée « inutile, contre productive et dangereuse » par la majorité. De son côté, le groupe de la gauche démocrate et républicaine a, lui-aussi, voté contre car pour lui tous les services sociaux doivent relever des services non économiques d'intérêt général (SNEIG), doctrine qui est également celle que nous défendons avec l'association MP4-Champ social (1)
Le classement adéquat des services sociaux et le reclassement des SSIG parmi les services non économiques d'intérêt général entraînent plusieurs conséquences : Ils placent les SSIG hors de la compétence de l'Union européenne et du champ de l'AGCS, ils redonnent à l'économie sociale sa vocation de modalité d'insertion et de cohésion sociale et surtout ils les mettent hors de portée des opérateurs marchands. Est-ce superfétatoire ou irréaliste de raisonner ainsi au vu des règles et des contraintes communautaires ? Ce n'est pas notre avis. Trop d'éléments juridiquement utilisables ont été sciemment oubliés, ainsi, par exemple, le renversement de doctrine consécutif aux arrêts Fenin et Selex de la cour de justice de l'Union européenne. En réalité, le principal obstacle est d'ordre idéologique et politique : prendre ou pas ses distances avec le modèle libéral. Nous avons, quant à nous, choisi notre position.
Même si la situation risque d'être figée pour un certain temps, l'espoir demeure. Un intergroupe SIG-SSIG s'étant constitué au parlement européen, nous tentons évidemment d'y faire entendre notre doctrine. De plus, en France, les sénateurs socialistes ont eux-aussi déposé, le 23 décembre, une proposition de loi relative aux services sociaux. Connaîtra-t-elle le même sort que celle identique qui vient d'être rejetée ? Nous souhaitons en tout cas qu'elle intègre notre position par l'ajout d'amendements, qu'elle inspire les orientations européennes et prépare ainsi une autre Europe sociale.
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