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Le psychanalyste Roland Gori, président de l'Appel des appels, contre les réformes gouvernementales, analyse la crise de confiance des Français face à un État qui se désiste du collectif en faveur des intérêts privés.
Comment analysez-vous le mouvement social qui ne cesse de s'amplifier ?
Cette grande mobilisation exprime une crise de société au sein de laquelle tous les travailleurs ont compris que le capitalisme financier visait à leur faire payer la facture ! Ils subissent un amoindrissement de leur capital matériel et symbolique puisque, d'un côté, on augmente les taxes, les impôts locaux, les tarifs des services publics notamment, de l'eau, de l'électricité, etc., et de l'autre, on gèle les salaires. Et lorsqu'une personne part en retraite, on recrute des jeunes à moindre coût avec des salaires plus bas et un statut précaire ! Il y a une prise de conscience de ce changement dans la manière de gouverner et de donner aux travailleurs un statut solide et protégé.
Assistons-nous, comme vous l'appelez, à « une insurrection des consciences » ?
Oui, c'est une insurrection des consciences dans la mesure où les professionnels, les travailleurs et les classes moyennes, qui sont de toute façon vouées à une prolétarisation, se mobilisent. Avec la mondialisation, il y a un accroissement des inégalités sociales entre les riches, ceux qui participent à la logique du marché, et une masse plus grande d'individus toujours plus précaires, en situation de flexibilité et exposés aux conséquences du marché. Même au niveau des revenus, on voit bien comment les classes moyennes sont écrêtées. Ainsi, augmente la masse des individus percevant le caractère précaire de leur situation et celle de leurs enfants. Par exemple, un Français sur deux craint de se retrouver SDF et 78 % pensent que l'avenir de leurs enfants sera pire que le leur. Cette double angoisse pour l'avenir montre que la population n'adhère plus au mythe collectif d'un progrès social. L'idée de l'ascenseur social s'est effondrée. Cela signifie qu'il y a une crise de confiance dans l'autorité politique.
Une crise de confi ance qui plonge ses racines dans une crise de l'État ?
Oui, l'État doit garantir l'intérêt du collectif au-dessus des intérêts particuliers Or, aujourd'hui, on assiste à un suicide politique de l'État, puisqu'il se démantèle, tente de se transformer en entreprise, sur le modèle d'intérêts particuliers, donc. De plus, l'État fait injonction à ses « serviteurs » de se transformer eux-mêmes en entreprises vouées à la concurrence, à la compétition, à la rentabilité immédiate et demande, donc, aux fonctionnaires de se penser en termes de service privé ! Partout, l'État se désiste du collectif en faveur des intérêts privés du capitalisme financier dans toute son horreur, ce qui engendre une crise de confiance : les gens ne comptent plus sur lui pour les protéger ni sur son autorité pour amortir les conséquences d'une crise économique internationale.
L'État n'assure plus son rôle
L'État devient de plus en plus normatif et prescriptif. Aujourd'hui, son autorité est en crise, et quand l'autorité est en crise, ce qui s'accroît, c'est le pouvoir de normaliser et de contrôler les populations. Mais le gouvernement prend un grand risque en essayant d'accroître son pouvoir sur les mouvements sociaux au lieu d'entendre le message qu'ils portent : un appel à ce que le politique retrouve son autonomie et son rôle de régulateur et de protection des citoyens.
Quelle sortie de crise imaginez-vous face à ce gouvernement si indifférent ?
Aujourd'hui, le gouvernement est sourd à l'angoisse, à la colère et au chagrin de la population. Or, pour retrouver son autorité politique, il ne devrait pas jouer un rapport de forces, qui de toute façon se retournera contre lui. Car si à court terme le mouvement social s'effritait, le gouvernement aura seulement imposé une réforme sans avoir convaincu ! Par conséquent, le problème reviendra autrement : soit par une apathie des populations, ce qui est toujours une maladie grave pour la démocratie, soit par des révoltes de plus en plus fréquentes dues à cette crise de confiance des citoyens dans le pouvoir politique actuel. Avec, dans les deux cas, le risque d'une dérive vers un extrémisme. En revanche, si le mouvement social, et cela semble être le cas, tient dans sa fermeté, alors là le pouvoir politique discrédite sa propre autorité dans la mesure où il n'est pas écouté, on lui désobéit et il nous montre qu'on peut continuer à lui désobéir. La solution la plus démocratique serait, au moment où il est peut-être encore temps, que le gouvernement écoute enfin la population et retourne à la table des négociations.
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