« Les surveillants pénitentiaires sont confrontés quotidiennement à des violences psychologiques »

Alors que l’attaque meurtrière du convoi pénitentiaire survenue le 14 mai dans l’Eure a bouleversé la profession, la psychologue Emilie Sauvaget explique, dans une tribune au « Monde », qu’une conception de la sécurité fondée sur la relation plus que sur la répression permettrait d’éviter une partie des incivilités dont sont victimes les surveillants en prison.

La France vient d’être secouée par une tragédie qui a coûté la vie à deux personnels pénitentiaires et blessé grièvement trois autres lors d’une attaque extrêmement violente survenue lors du transfèrement d’un trafiquant de stupéfiants, le 14 mai, au péage d’Incarville, dans l’Eure. Cet événement douloureux survient dans un contexte où les différentes étudesnationales et internationales menées auprès des personnels pénitentiaires font toutes état de problèmes fréquents et de difficultés sur le lieu de travail.

 

Pour ceux qui y travaillent, l’univers carcéral présente un certain nombre d’enjeux spécifiques. La prison, même si elle n’est plus aussi close et rigide qu’elle ne l’a été, reste un lieu où se côtoient inquiétude et méfiance, un milieu où les sources de tension sont omniprésentes et où les enjeux sécuritaires teintent l’ensemble du travail et des relations sociales. La prison décourage, épuise, use. Elle connaît des problèmes récurrents, qu’on a bien de la peine à régler.

Un travail éprouvant

Ainsi le quotidien d’un surveillant pénitentiaire est-il difficile et exigeant, chargé de responsabilités humaines importantes. Le surveillant doit composer avec des conditions de travail ardues : surpeuplement carcéral, manque de ressources, vétusté de certains établissements et stress lié à la nature même du travail. Un travail également éprouvant sur le plan émotionnel, en raison de la proximité constante avec des personnes en détresse et/ou en conflit avec la loi.

 

En effet, l’exercice des missions déléguées aux personnels pénitentiaires occasionne des tensions, des confrontations, des vécus douloureux de culpabilité et d’autodépréciation. Et des événements traumatiques peuvent survenir, comme l’attaque mortelle dans l’Eure, dont le caractère est exceptionnel et gravissime. Cependant, les surveillants pénitentiaires sont quotidiennement confrontés à d’autres formes de violences psychologiques (insultes, menaces, crachats) et physiques. Ces traumatismes réguliers ont aussi des conséquences sur leur santé mentale.

Si le soutien psychologique des personnels en cas d’incident grave ou violent constitue une prise en charge nécessaire et une forme de reconnaissance de la souffrance de la victime, cette réponse semble insuffisante face à la conception même de la peine et à l’organisation de la prison.

 

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Par Roland Gori, à lire dans Libération