Communiqué de l'Association Convergence des Psychologues en Lutte du 18 mai 2024 - La mise au pas programmée des psychologues se poursuit !

Notre dernier communiqué dénonçait le "miroir aux alouettes" et le piège que contenaient les annonces du Premier Ministre à propos du dispositif MonSoutienPsy.

Dans la foulée, 21 députés Renaissance déposent coup sur coup une PPR (proposition de résolution) supposée s’intéresser à la santé mentale des citoyens, et une PPL (proposition de loi) pour la création d’un ordre des psychologues !

Dans la PPR sont demandés notamment « un guide global des bonnes pratiques référencé et unique […] respectant les référentiels […] édictés par les agences nationales compétentes » et « la création d’un ordre national des psychologues afin d’améliorer l’organisation du dialogue entre la profession et les pouvoirs publics ».

Dialoguer, les psychologues ne demandent que cela. Depuis longtemps, et de façon élargie aux différents syndicats et collectifs représentant la profession.

Le texte fait l’apologie de certaines pratiques (réhabilitation psychosociale, remédiation cognitive, psychoéducation, éducation thérapeutique) et n’en cite aucune autre. Et il met évidemment en valeur le dispositif MonSoutienPsy.

 

Dans la PPL, il est indiqué que ne pourront exercer la profession de psychologue que ceux qui ont le titre ET qui sont inscrits au « tableau de l’Ordre » (autrement dit le diplôme ne suffira plus) ! Seul l’Ordre représentera la profession. Et celui-ci sera directement relié au Premier Ministre.

Ce rattachement nous décale en apparence du Ministère de la Santé mais ne reflète pas pour autant une demande de la profession qui est rattachée au Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et qui y tient. Cette nouvelle mouture de PPL ne prémunit en rien d’une standardisation par l’institution médicale (HAS, IGAS, Académie de Médecine, etc.) dont le projet de paramédicalisation des psychologues est détaillé dans le rapport de l’IGAS de 2019.

L’Ordre élaborera le code de déontologie. Et l’Ordre bien sûr distribuera les sanctions par le biais de sa « chambre disciplinaire ». À souligner par exemple, dans l’article 6, point 5, la supervision comme sanction !

L’organisation de l’Ordre nous présente une structuration de la profession ultra-pyramidale. Encore une fois absolument pas demandée par la profession.

 

Nous refusons la vision naïve portée par cette PPL qui veut ériger une structure sensée être garante de notre cadre d’exercice mais qui sera aussi vectrice de recommandations étatiques, politiques et idéologiques.

Les instances judiciaires indépendantes existent déjà. Nul besoin de croire que quelques pairs seraient plus aptes à caractériser les dérives ou les fautes professionnelles et de leur donner ce pouvoir. Parmi les professions qui ont un Ordre (médecins, infirmiers et autres), de nombreux collègues se plaignent de leur fonctionnement jugé inique.

Et un Ordre n’est certainement pas le niveau le plus pertinent pour une concertation de la profession dans son ensemble avec les pouvoirs publics. Que ceux-ci commencent d’abord par écouter les psychologues et leurs représentants ! L’histoire de la profession a montré que les psychologues savent s’organiser, dans le respect de leur pluralité. Il en a été ainsi lorsqu’il s’est agi de conférer un cadre légal à la profession, ou de faire reconnaître son haut niveau de formation et de compétences. Et il en est de même aujourd’hui pour contester des projets inacceptables pour la profession et élaborés avec la complicité d’une extrême minorité de psychologues nullement représentative.

Quelques psychologues, en effet, ignorant l’ensemble de la profession et la majorité des organisations qui travaillent depuis que la profession existe pour protéger les psychologues et le public, ont œuvré pour aboutir à cette proposition de PPL. Mais force est de constater l’importance des réactions émanant de nombreux collectifs, organisations, associations, syndicats opposés à l’ordre.

 

On ne peut voir dans ces projets portés par quelques députés de la majorité gouvernementale qu’une suite de manœuvres pour continuer de tenter de mettre au pas les psychologues, au mépris de leur formation, de leurs compétences, de leur diversité, de leurs références multiples, de leurs outils légitimes, et de leur capacité d’autodétermination.

Et n’en doutons pas, l’Ordre est soumis à une idéologie et il se donnera toute légitimité non seulement pour décider qui peut être psychologue, mais aussi pour définir les bonnes pratiques en stigmatisant voire en excluant les autres !

 

Il nous est par ailleurs annoncé le lancement du Conseil national de refondation en santé mentale à partir du 12 juin. La promotion du dispositif MonSoutienPsy comme solution aux problèmes de Santé mentale y est déjà inscrite. C’est l’ensemble de la politique de Santé Mentale du gouvernement qu’il faut prendre en compte avec ses objectifs d’externalisation et de rentabilité du soin, de démantèlement des services publics, et au final d’abandon des citoyens les plus précaires et en situation de souffrance psychique. Le traitement réservé aux psychologues s’inscrit dans ce projet global.

 

La Convergence des Psychologues en Lutte rejette l’idée d’un ordre national et demande le retrait de cette proposition de loi, ainsi que l’abrogation du dispositif MonSoutienPsy.

Elle renouvelle sa requête d’être entendue par le Premier Ministre et le MESRI. Elle continue de se proposer comme interlocuteur, avec les autres organisations et syndicats, pour réfléchir à un avenir respectueux des patients et de la profession.

Par Roland Gori, à lire dans Libération