Le Carnet Psy – Les combats des psychologues sont nécessaires

A lire dans la revue LeCarnetPsy

 

Dans cet entretien, Albert Ciccone invite les psychologues à défendre leur profession face aux risques qui la menacent. Propos recueillis par Lionel Camalet, psychologue clinicien et co-dirigeant de l’association M3P : Manifeste des Psychologues cliniciens et Psychologues Psychothérapeutes.

Carnet Psy : Quel regard portez-vous sur l’histoire de la psychologie en France et des combats des psychologues pour la reconnaissance des spécificités de leurs pratiques ?

Les combats récurrents des psychologues ont été nécessaires d’abord du fait de l’apparition très récente, à l’échelle de l’histoire des sciences et des pratiques, de la discipline « psychologie » et de la profession de psychologue. Il a fallu que les psychologues fassent leur place. Par ailleurs, la psychologie est née d’une diversité chaotique. Elle a une « filiation bâtarde » (pour reprendre le titre d’un ouvrage que nous avions publié avec quelques collègues lyonnais regroupés autour d’Alain Noël Henri1) : issue de la philosophie, annexée à la biologie, mise au service de la pédagogie, infiltrée par la psychanalyse… elle est un assemblage hétéroclite et disparate. Et ce n’est pas la pratique qui a induit la mise en place de formations pour améliorer ou justifier les compétences des psychologues, ce sont les diplômes universitaires qui ont conduit à la création de métiers variés et difficiles à regrouper au sein d’une profession, malgré la volonté et les efforts de certains depuis Lagache pour donner une « unité » à la psychologie.

Aujourd’hui encore, les pratiques sont extrêmement variées, et cela à l’intérieur même de chaque sous-discipline ou « spécialité ». La psychologie n’est qu’un concept autour duquel s’organise un mouvement qui rassemble des pratiques et des théories différentes, divergentes, contradictoires, voire antagonistes. Elle reste donc dans une position inconfortable, fragile, et toujours menacée par chaque tentative de mainmise sur la profession et de contrôle autoritaire.

Et les premiers à n’avoir de cesse de vouloir contrôler la profession sont le pouvoir médical (qui est très puissant en France, contrairement à d’autres pays) et les pouvoirs publics, dès lors que les psychologues s’intéressent à la santé mentale ou plutôt à la psychopathologie. 

Pour rester dans le champ universitaire, un exemple symptomatique des attaques portées au statut de psychologue en France s’est produit lors du passage au LMD en 2004. Alors que le titre professionnel de psychologue nécessitait l’obtention du DESS, diplôme de 3ème cycle, il a été ramené au master, diplôme de 2ème cycle. La régression s’est faite sans protestation — pas suffisante en tout cas — des universitaires ni même des praticiens. Alors que l’enjeu était considérable. Je ne comprends pas que l’ensemble de la profession ne se soit pas battue pour que le titre reste à un niveau de 3ème cycle et soit attaché à un doctorat professionnel et non à un master.

Un doctorat professionnel vous semblerait-il nécessaire aujourd’hui ?

Bien évidemment. Je dirais même que c’est une urgence vitale pour la profession. Avec un titre au niveau doctorat, de nombreuses attaques actuelles auraient été empêchées ou atténuées. Et les organisations professionnelles seraient en meilleure posture pour se faire entendre et respecter.

Un doctorat professionnel revaloriserait la profession. De nombreuses professions évoluent, deviennent masterisées alors qu’elles se situaient à un niveau licence, celle de psychologue a régressé, c’est illogique. Il faudrait bien sûr un doctorat pour tous (avec une équivalence pour les psychologues déjà en titre), pas pour une élite. Et un doctorat de 3 ans, par exemple, centré essentiellement sur des stages (insuffisants dans la formation actuelle). Même pour le titre de « psychothérapeute », un doctorat serait essentiel. Il n’y a qu’en France où il suffit d’être psychologue ou psychiatre pour être psychothérapeute ! Dans tous les autres pays, ce titre exige une formation de plusieurs années, pour les psychologues comme pour les psychiatres !

En France, chacun heureusement s’organise une formation sur mesure au cours de sa pratique. Un doctorat pourrait, pour ceux qui se destinent à la psychothérapie, donner plus qu’une initiation, mais déjà une formation, même partielle, la pratique nécessitant évidemment une formation toujours continuée. Et cela permettrait de répondre à la demande massive de formation à la psychologie, qui prouve que la psychologie a une fonction sociale, en laissant les portes de l’université ouvertes au plus grand nombre jusqu’au master.

Les pouvoirs publics reprochent souvent aux psychologues d’avoir des formations trop hétéroclites, ce qui est un argument pour imposer une uniformisation. 

C’est vrai. Il en est ainsi entre et dans les universités, qui n’échappent pas aux guerres de chapelle, aux rivalités personnelles… La réduction des intitulés de master aurait pu permettre de se centrer sur l’essentiel. Mais comme souvent à l’université, on change la coquille, on ne change rien au contenu. 

Actuellement, la pression pour la normalisation et la standardisation est puissante. Il ne reste guère de place à l’originalité et à ce qui faisait la singularité et la richesse d’une formation. Le moindre écart peut être sanctionné en cas de recours. Le plus grave est non seulement le nivellement par le bas, mais la quasi-exclusion des praticiens dans les maquettes standardisées des formations (ou la réduction considérable de leur participation). Cela est particulièrement dommageable. Une formation professionnelle sans les professionnels, ou avec très peu, n’a que peu de sens. 

Restons à l’université, mais cette fois du côté de la recherche. Vous avez œuvré durant de nombreuses années à soutenir l’idée d’une clinique de la recherche, défendant que la recherche en psychologie est indissociable de sa dimension clinique et d’une psychologie de l’humain. Comment avez-vous soutenu cette volonté dans le cadre de la formation et de la recherche ?

J’ai d’abord défendu une formation « praticienne » des psychologues. Mais cette activité de formation n’est pas valorisée à l’université. C’est la recherche qui est noble, pas la formation professionnelle. Si un universitaire écrit de nombreux ouvrages utiles aux praticiens et largement diffusés, cela n’a quasiment aucun impact sur sa carrière. Si par contre il écrit un article de 4 pages publié en anglais (même approximatif) dans une revue « scientifique » américaine que personne ne lit, alors il est considéré comme un excellent universitaire méritant des crédits et des avancements.

La recherche fait partie de la pratique, évidemment, mais la survalorisation de la recherche éloigne des réalités de terrain et des enjeux politiques au cœur desquels la psychologie se retrouve régulièrement. Non seulement la pratique de recherche sacrifie souvent l’approche soignante, car leurs logiques sont contradictoires, mais la valeur heuristique des travaux de recherche, notamment en psychologie clinique ou en psychanalyse, est souvent discutable. Soit les travaux sont trop spéculatifs, plus proches d’une logique d’opinion, trop théoriques, avec une clinique illustrative ou surchargée de projections, d’interprétations, et qui ne fait que confirmer une théorie déjà là, laquelle n’est pas discutable ; soit les recherches cliniques sont séduites par les méthodes expérimentales et quantitatives, ne résistent pas aux pressions pour s’aligner derrière les modèles dominants de la recherche et de la science, et cherchent à se parer des stigmates de la scientificité. Elles ne font alors que singer la science. 

La psychologie doit rester une science humaine, dites-vous.

Vous avez raison, je rappelle souvent que la psychologie est une science « humaine », elle ne doit pas chercher à imiter des sciences devant lesquelles elle ne sera jamais à la hauteur. La psychologie ne sera jamais l’astrophysique ni la science des particules. Elle doit garder et cultiver ce qu’elle a d’humain, d’humblement humain, c’est ce qui fait sa richesse. La valeur heuristique de la psychologie clinique, notamment, comme de la psychanalyse, tient à la rigueur de l’observation et de l’interprétation des faits, et suppose entre autres une prise en compte exigeante des effets transféro-contre-transférentiels de la situation de recherche. C’est cela l’« approche clinique de la recherche ».

L’université a été victime ces dernières décennies de la massification de l’enseignement supérieur combinée à l’industrialisation de la recherche scientifique. Comme le fait remarquer aussi Alain-Noël Henri2, la séparation entre formation (ou enseignement) et recherche relève d’une division du travail typique des sociétés industrielles. Dans l’artisanat une telle division n’a aucun sens. Or une formation professionnelle, surtout de psychologue destiné à s’occuper de l’« humanité » des sujets, avec ce que cela contient intrinsèquement de « recherche », ne peut se faire réellement que de façon artisanale. Avec des « maîtres-compagnons », universitaires et praticiens. 

Mais dans les sociétés industrielles, et avec maintenant le néolibéralisme et le technicisme qui les accompagnent, la « science » — celle supposée « dire le vrai » — est une figure du savoir sacralisé, et les universités, entre autres, sont là pour garantir ce savoir sacralisé. Elles le fabriquent industriellement et le distribuent par bribes dans un « marché » féroce régi par les logiques néolibérales et dont les acteurs cherchent à assurer la population que le salut réside dans la croyance en la « science ».

Ce ne sont pas les scientifiques, les chercheurs qui sont en cause. Ils sont bien souvent beaucoup plus humbles quant à la portée de leurs découvertes ou de leurs propositions que ne le sont ceux qui utilisent leurs recherches et leur font dire beaucoup plus qu’elles ne disent. Ce qui est en cause, c’est ce que le discours social fait de leur science. Si un expert apparaît en blouse blanche, si de plus son titre contient le terme « neuro », et si son discours est compatible avec l’idéologie dominante, il est alors supposé dire le vrai et utilisé pour dicter les « bonnes pratiques ».

Une question à propos de ce signifiant « neuro ». On observe ces dernières années une remise en question très aiguë de l’approche psychanalytique de la souffrance psychique et de la psychopathologie au profit d’une approche médico-neuro-centrée de plus en plus plébiscitée. Comment comprenez-vous ces attaques et quelle place la psychanalyse peut-elle, doit-elle, occuper dans le champ de la psychologie au 21ème siècle ?

La même place qu’occupe dans le champ social la psychologie, surtout celle qui s’en réclame, qui considère que les personnes sont des « sujets », non réductibles à leurs comportements ou à leurs compétences cérébrales, et que leurs manifestations ou leurs discours ne sont pas égaux à eux-mêmes, mais sont le fruit de conflictualités et de compromis de toutes sortes et de nature inconsciente. La psychologie comme la psychanalyse est garante de la subjectivité. Les attaques contre la psychologie sont souvent l’effet collatéral ou la suite des attaques contre la psychanalyse. Ce sont d’ailleurs les psychologues cliniciens, qui soignent et qui s’appuient sur la métapsychologie, qui sont la cible privilégiée des attaques répétées. 

Mais le rouleau compresseur de la pensée positiviste concerne et écrase tout le champ social. La désubjectivation est partout. Elle est une violence sociale et politique (la non-prise en compte de la subjectivité est d’ailleurs le point qui réunit toutes les situations de violence, quelles qu’elles soient). René Kaës, par exemple, a bien décrit le « malêtre » caractéristique de la postmodernité, et montré comment celui-ci puise ses sources dans ces processus de désubjectivation.

Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par là ?

La désubjectivation s’observe dans la vie de tous les jours. Je donne souvent en exemple une émission de radio consacrée aux violences faites aux enfants ; il est question des sanctions physiques, de la « fessée ». Un psy quelconque qui a l’habitude d’écouter des enfants essaie d’expliquer que la violence est traumatique et que les traumatismes dans l’enfance ont des effets sur le développement de la personnalité, sur la vie subjective, émotionnelle. Il est traité avec peu d’égard par le journaliste. Puis un biologiste, qui n’a probablement jamais vu un enfant en souffrance, explique que les études scientifiques prouvent que les traumatismes laissent des traces dans le cerveau. Tout d’un coup cela devient sérieux, puisque ça concerne le cerveau. Le journaliste s’enthousiasme, dit qu’il faut alors interdire la fessée ! Mais il n’entend pas que les deux invités disent exactement la même chose. « Les traces dans le cerveau » ne sont que la version neurobiologique des « traces dans la subjectivité », et vice versa ! Mais l’une des formulations est compatible avec l’idéologie du discours dominant, l’autre non.

Autre exemple. Une émission télévisée parle de l’adolescence, et un neuroscientifique explique, expérimentations à l’appui, que les adolescents ont le cerveau plus immature que les adultes — ce qui est un vrai scoop — : leur cortex frontal, siège de la raison, est plus immature et leur cerveau fonctionne davantage au niveau du centre qui s’occupe des émotions. C’est pourquoi les adolescents prennent des risques inconsidérés, se mettent en danger ou n’ont pas peur du danger. Autrement dit, nous ne sommes pas des sujets qui se développent, qui murissent avec l’expérience, et qui agissent avec les moyens qu’ils ont, avec le cerveau et les neurones à leur disposition, lesquels évoluent et se complexifient aussi avec l’expérience, mais c’est notre cerveau qui décide des actions que nous menons et nous lui obéissons. Nous ne sommes que la somme de nos compétences cérébrales et comportementales. C’est cela la désubjectivation.

Les exemples peuvent se multiplier. C’est cette même logique qui envahit le champ du travail. Nous ne sommes plus des professionnels qui exercent une profession, nous ne formons plus des professionnels, nous sommes une somme de compétences, nous formons des sacs de compétences. Les professions, celle de psychologue parmi d’autres, sont réduites à une somme de compétences. La déprofessionnalisation va de pair avec la désubjectivation. Un penseur comme Roland Gori a très largement démontré comment le néolibéralisme, avec ses logiques technocratiques, détruit les métiers. Et c’est bien cette logique du rouleau compresseur de la désubjectivation qui préside aux mesures accablantes qui visent les psychologues.

À ce propos, la profession est aussi prise d’assaut par ce qu’on peut appeler « des entrepreneurs du numérique ». Quel regard portez-vous sur l’actualité de la profession, les menaces d’« ubérisation », l’ouverture de notre champ à la concurrence commerciale des startups de la santé mentale qui proposent un étrange rapport au soin (codes promo, consultations 7/7, 24/24, consultations immédiates) ?  

Cette marchandisation est le fait de l’État lui-même. Vous connaissez très bien cette absurdité qu’est le dispositif MonPsy. La Macronie est très forte, elle a misé et réussi sur plusieurs tableaux à la fois : un coup électoraliste (en faisant croire qu’elle se préoccupe de la santé mentale des gens), un coup politique (en disqualifiant les psychologues et en les contraignant à la soumission), et un coup économique (en ubérisant et bradant le travail des psychologues, avec en prime un gros cadeau fait aux mutuelles, puisque celles qui participaient quelque peu en remboursant intégralement un certain nombre de séances pour tous leurs adhérents ne vont maintenant donner que quelques euros, et seulement à ceux éligibles, c’est-à-dire à peu près personne puisque ce dispositif ne concerne que des gens qui n’ont pas besoin de psychologues, dans la mesure où il s’adresse aux citoyens souffrants de petits troubles anxieux, légers à modérés !). MonPsy n’est qu’un leurre, et qu’un symptôme de la casse du service public, du démantèlement des institutions médico-sociales, de la déshumanisation et de la marchandisation des pratiques de soin.

Nous devons nous battre, car les technocrates décident pour nous et sans nous. Avec l’appui de quelques fanatiques et de certains lobbies, ils ont décidé la disparition de la psychopathologie remplacée par les fumeux TND (Troubles Neuro-Développementaux) ; les PCO (Plateformes de Coordination et d’Orientation) et la standardisation normative et contrainte des pratiques ; l’attribution de crédits colossaux à certaines fondations pour des recherches dont on peut raisonnablement discuter l’utilité, mais qui sont « scientifiques » ; MonPsy et autres dispositifs méprisants à l’égard de la population et des psychologues. On peut ajouter à la liste des attaques que subissent comme d’autres les psychologues, le comportement de quelques experts de l’Insee qui considèrent brusquement que la profession de psychologue ne relève plus d’« activités de santé humaine ». La liste est longue. Elle témoigne, entre autres, de la manière dont le pouvoir actuel met en place toutes les conditions pour soumettre les psychologues et les contraindre à se plier à ce qu’il a décidé autoritairement et arbitrairement, en restant totalement sourd aux propos de la profession qu’il n’écoute jamais. Tout est en place pour poursuivre l’entreprise délétère du ministère de la Santé : créer un corps de psychologues de la santé, formé par la médecine (la vraie, celle qui est « scientifique »), et inféodé au pouvoir médical pour réaliser des actes paramédicaux obéissants à la norme dictée par l’État. Nous devons réagir, praticiens, universitaires, étudiants, avec la plus grande détermination au risque sinon d’assister passivement, mais sûrement, à l’enterrement de notre profession, après une lente agonie programmée.

Les psychologues ont un peu l’habitude d’ignorer le politique. Nous ne devons jamais l’ignorer, car le politique, lui, ne nous ignore pas. Le néolibéralisme produit des savoirs « scientifiques » et des discours positivistes qui le justifient. La psychologie, notamment (mais pas seulement) celle qui se réfère à la psychanalyse, lorsqu’elle essaie de se mesurer à l’étalon de ces discours, pour garder une place, y perd son âme. Elle se retrouve dans un paradoxe, une impasse : garder son éthique et disparaître ou se soumettre et se perdre.

La soumission, c’est bien ce à quoi nous condamne le projet de paramédicalisation de la profession dont vous parlez.

En effet, et nous devons lutter contre la paramédicalisation. La santé mentale n’est pas qu’une affaire de médecine et de chimie, elle est d’abord une affaire d’humanité.

J’ai souvent raconté l’anecdote suivante aux étudiants, lors de la solennelle remise des diplômes à la fin de leur formation. Je reçois une patiente, qu’on peut considérer comme psychotique, à un rythme de 2 séances par semaine depuis maintenant de nombreuses années. Lorsqu’elle est arrivée à mon cabinet, elle avait une lettre du médecin-psychiatre de la clinique dans laquelle elle était hospitalisée environ 6 mois par an. La lettre de 4 pages ne comportait qu’une addition considérable de traitements chimiothérapiques. Rien sur elle, son histoire… Outre les 2 séances hebdomadaires, elle m’écrit régulièrement notamment pendant les vacances, me demande de l’appeler parfois. Un jour, 5 ans après le début du traitement, elle arrive paniquée : son mari remet en cause le suivi, ne veut plus financer les séances, etc. Elle me demande de lui parler. Au téléphone, celui-ci m’explique son ras-le-bol : « Elle est toujours aussi folle ! », me dit-il en colère. Après avoir écouté sa plainte et son constat sans appel, je lui réponds : « Vous avez raison », ce qui a pour effet de le calmer. Je lui demande ensuite s’il se souvient combien de fois elle a été hospitalisée depuis 5 ans. Il réfléchit et me répond : « Jamais… », alors qu’elle passait la moitié de sa vie en clinique psychiatrique. Je lui demande s’il sait quel traitement médicamenteux elle prend. Il me répond que son médecin dit que son traitement c’est « du pipi de chat », alors qu’auparavant elle avait un traitement « qui aurait tué un éléphant ». Je n’ai pas voulu philosopher avec lui, mais j’aurais pu lui demander quel modèle de société il préfère : une société où la folie est contenue par des molécules chimiques et des murs d’hôpital ou bien une société dans laquelle la folie est contenue par la relation humaine… (sans parler de l’aspect économique et du gain financier majeur que cela représente pour la collectivité !).

Heureusement, malgré tous les efforts de certains pour faire taire le sujet, la parole, l’inconscient, pour faire croire à la supposée obsolescence de la psychanalyse, une série télévisée fait un carton, avec des scores d’audience incroyables : En thérapie. Cela prouve bien que le besoin de parole est fort, constant, les sujets-citoyens ne se laisseront pas museler ! Et les psychologues non plus !

 

 

1 – Mercader P., Henri A.-N. et al. (2004), La Formation en psychologie : filiation bâtarde, transmission troublée, Lyon, PUL.

2 – Alain-Noël Henri, normalien, agrégé de philosophie, psychologue et psychanalyste, a été un fondateur et un penseur de la formation à Lyon 2. Il a notamment créé le dispositif original de la FPP (Formation à partir de la pratique).

 

Par Roland Gori, à lire dans Libération