MonSoutienPsy : le boycott continue !

La CNAM se livre depuis l'été dernier à une entreprise marketing d’envergure pour vendre le dispositif MonSoutienPsy, et son discours promotionnel est régulièrement relayé par de nombreux médias.

 

Malgré cela, ce dispositif reste massivement et majoritairement contesté et rejeté par la profession : 86% des psychologues éligibles n’y participent pas, voire le boycottent activement.

 

Soulignons l’opacité des chiffres concernant le nombre de conventionnés qui ne tiennent pas compte des déconventionnements, ni de l’utilisation très occasionnelle du dispositif par de nombreux psychologues dits conventionnés. Et soulignons encore l’abus quant à l’annonce de remboursement total par les CPAM, qui n’est effectif que pour certains patients et nécessite une mutuelle pour la majorité.

 

L’association Convergence des Psychologues en Lutte regroupe 22 associations, organisations ou collectifs de psychologues et rassemble 22000 psychologues, soit plus d’un quart de la profession. Comme de nombreuses autres associations et organisations elle soutient le boycott de ce dispositif et demande le redéploiement des moyens dans le service public. Le financement alloué à MonSoutienPsy permettrait en effet de créer plusieurs milliers de postes de psychologues là où les consultations gratuites pour les citoyens existent déjà, et où le manque de moyens est cruel : les CMP (Centres médico-psychologiques), mais aussi les institutions du médico-social, les universités (où exercent seulement 1 psychologues pour 15000 ou 30000 étudiants, selon les sources, alors qu’il en faudrait 1 pour 1500), les écoles, etc.

 

Rappelons que le service public, avec notamment la psychiatrie de secteur, permet une offre de soin pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire, contrairement au dispositif MonSourienPsy dont les conventionnements sont géographiquement aléatoires et, de fait, concentrés dans les zones urbaines. 

 

Par ailleurs, outre de participer au démantèlement du service public, MonSourienPsy a pour effet de détruire de nombreux dispositifs et conventionnements efficaces, soutenus et financés par les Agences régionales de santé, avec des consultations de psychologues prises en charge et gratuites pour les patients : à l’ASE (Aide sociale à l’enfance), dans les services de PMI (Protection maternelle et infantile), à la Ligue contre le cancer, dans les réseaux de périnatalité, les MSP (Maisons de santé pluridisciplinaires), la Médecine du travail… MonSoutienPsy est censé remplacer toutes ces modalités de pratique, qui la plupart du temps comprennent un temps de travail d'équipe, d'analyse des pratiques, de formation continuée, et reposent sur la compétence spécifique de psychologues dans tel ou tel champ de pratique. Tous ces points essentiels quant à la qualité des soins sont écartés.

 

Non seulement MonSoutienPsy remplace tout, mais il est exhibé comme fétiche supposé répondre à tous les problèmes de « santé mentale ». Alors qu’il n’est qu’un cache-misère.

 

 

 

La volonté des pouvoirs publics de contraindre et soumettre les psychologues s’inscrit dans un mouvement de technicisation et d’industrialisation du soin : mise en place de PCO (Plateformes de coordination et d’orientation) qui dévoient et/ou remplacent les missions d’accompagnement des CMPP (Centres médico-psycho-pédagogiques), des CAMSP (Centres d’action médico-sociale précoce), transformés en lieux de tri et d’orientation vers des soins entièrement externalisés.

 

Plutôt qu’augmenter le nombre de postes de psychologues dans le service public, comme dans le secteur privé qui participe aux missions de santé publique, l’État fait le choix de poursuivre leur asphyxie en instrumentalisant les psychologues libéraux.

 

Les consultations gratuites pour les citoyens, sans aucune discrimination (ni d’âge ni de type de souffrance psychique), existent déjà. Elles sont assurées par des psychologues du service public et du secteur privé participant aux missions de santé publique, qui travaillent au sein d’équipes compétentes, dans les CMP et autres lieux d’accueil de la souffrance psychique. Et il serait bien plus pertinent de créer des postes dans ces structures plutôt que de dépenser l’argent public dans un dispositif gadget et low cost.

 

MonSoutienPsy est contraire aux principes et à l’éthique de nos pratiques. Ses critères d’exclusion et sa logique de tri induisent une disqualification de la profession.

 

Ce dispositif est par ailleurs un appel à l’installation prématurée en libéral, sans la formation et l’expérience préalables que donne le travail en institution.

 

 

 

C’est le boycott qui a obligé le gouvernement à revoir sa copie. Et le boycott doit se poursuivre jusqu’à l’abrogation de MonSoutienpsy.

 

 

Par Roland Gori, à lire dans Libération