Non à la restriction de l'aide médicale d'Etat (AME) - Un article de Libération

A lire dans Libération

 

Malgré l’opposition du gouvernement et de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, les sénateurs LR ont fait voter un amendement restreignant désormais l'aide médicale d'État (AME) aux soins d'urgence, au mépris des impératifs de santé publique.

L’aide médicale d’urgence (AME) s’est à nouveau invitée dans les débats parlementaires lors de la discussion du projet de loi asile et immigration. Ce dispositif, qui permet aux étrangers en situation irrégulière qui en font la demande d’accéder gratuitement à des soins (à condition de résider en France depuis plus de trois mois et de ne pas dépasser un certain niveau de revenus), est dans le viseur de la droite depuis plusieurs années, qui veut le recentrer uniquement sur les soins d’urgence. Cette nouvelle aide offrirait une prise en charge durant un an uniquement pour le traitement des «maladies graves et des douleurs aiguës», les vaccinations réglementaires, les soins liés à la grossesse ou encore la médecine préventive.

Le nombre de bénéficiaires de l’AME est d’environ 311 000 personnes, le coût total est de 923 millions d’euros, soit 0,48% du budget de l’assurance maladie (il est d’ailleurs financé sur le budget de l’Etat et non de la sécurité sociale). Malgré une mise en garde du ministre de l’Intérieur qui, en cas de modification de la couverture actuelle, craint un afflux nouveau de patients dans les urgences des hôpitaux et le développement de maladies contagieuses qui seraient plus coûteuses que la prise en charge des bénéficiaires en médecine de ville, les sénateurs LR ont fait voter cette proposition à une courte majorité de 144 voix contre 137 (51,2%), au mépris de considérations humaines et sanitaires, jugeant ce dispositif trop coûteux. Le gouvernement a fait connaître, par la voix de la ministre de la Santé, son opposition à cette proposition qui doit faire l’objet d’un examen en commission paritaire Sénat/Assemblée nationale cette semaine.

Au lieu de les exclure du droit commun, pour être efficace d’un point de vue humain et de santé publique, toutes les personnes résidant en France, quel que soit leur statut, doivent avoir pleinement accès au système de santé et à la protection universelle maladie (la Puma). Il est démontré que, du fait de leur jeune âge et de la résistance dont ils font preuve face à l’adversité, les étrangers en situation irrégulière sont moins malades et moins consommateurs de soins que le reste de la population. La fusion des dispositifs de l’AME et du régime général de la Sécurité sociale permettrait un accès aux droits et à un parcours de soins simplifié et une prise en charge précoce, évitant des dégradations de la santé et un coût plus important pour la société, ainsi que la privation de droits des étrangers les plus précaires. Les économies de gestion générées compenseraient largement l’intégration de l’AME dans le régime général.

Plutôt que de restreindre leurs droits, préservons la santé de ceux que nous accueillons, pour leur bien-être et celui de tous.


Signataires : Pr Alfred Spira, Académie nationale de médecine; Dr Hakim Bécheur, Hôpital Bichat; Frédéric Pierru, CNRS-CERAPS–Université de Lille; Pr Thierry Lang, CHU de Toulouse; Pr Jacques Milliez, Académie nationale de médecine; Pr Alexandre Boyer, CHU de Bordeaux; Pr Albert Hirsch, Ligue nationale contre le cancer; Pr Geneviève Chêne, CHU de Bordeaux; Pr Pierre-Yves Geoffard, Ecole d’Economie de Paris; Pr Jean-François Girard, ancien Directeur général de la santé; Pr Pierre Corvol, Professeur honoraire au Collège de France; Pr Pierre Jouannet, Académie nationale de médecine; Pr Pierre-François Plouin, Académie nationale de médecine; Pr Marc Samama, Chu Cochin-Hôtel Dieu; Pr Louis Bujan, CHU Toulouse.

Un groupe de médecins

Par Roland Gori, à lire dans Libération