Réaction de la Convergence des Psychologues en Lutte à l’opération marketing de la CNAM

La CNAM et les CPAM se sont lancées depuis quelques temps dans une opération marketing d’envergure pour vendre leur dispositif MonSoutienPsy. Elles n’hésitent pas, dans certaines régions, à contacter directement les psychologues, parfois sur leur lieu de travail dans des institutions, et même si ces psychologues n’ont pas d’activité libérale !

Cela montre que le boycott est efficace et qu’il doit se poursuivre !

La CNAM met en avant des arguments fallacieux pour séduire et piéger les psychologues. Ne nous laissons pas avoir par ce miroir aux alouettes !

Le nombre de psychologues qui se sont conventionnés, et que la CNAM annonce avec satisfaction, ne représente que 10% des psychologues libéraux qui sont potentiellement concernés. Autrement dit 90% de la profession continue de rejeter et de boycotter MonSoutienPsy, dispositif inadapté et injuste, qui ne répond pas aux besoins de la population, qui trie les patients en fonction de leurs antécédents et de leur niveau de souffrance et contrevient à l’éthique des psychologues. Et la CNAM ne dit rien du nombre de psychologues qui se déconventionnent !

La CNAM nous apprend par ailleurs, en se félicitant toujours, que seuls 11% du peu de patients qui ont utilisé le dispositif sont titulaires de la C2S (Complémentaire Santé Solidaire), soit 1 patient sur 10 ! Autrement dit ce dispositif rate totalement sa cible, le public en situation de précarité, qui est le premier concerné, n’est pas touché ! Et la CNAM oublie de rappeler que le bilan de la feuille de route réalisé l’an dernier montrait que seules 4 séances en moyenne (sur 8 et maintenant sur 12) sont utilisées par chaque patient, ce qui montre bien son inadéquation !

Et l’hypocrisie est à son comble lorsque la CNAM annonce que des psychologues auraient témoigné avoir reçu des patients qui, pour des raisons financières, n’auraient pas consulté et n’auraient pas bénéficié d’un accompagnement ! La CNAM oublie que les consultations gratuites pour les citoyens, sans aucune discrimination (ni d’âge ni de type de souffrance psychique), existent déjà. Elles sont assurées par des psychologues du service public (comme du secteur privé participant aux missions de santé publique) qui travaillent au sein d’équipes compétentes (dans les CMP et autres lieux d’accueil inconditionnel de toutes formes de souffrance psychique). Les 170 M d’euros consacrés chaque année à MonSoutienPsy devraient servir à créer des milliers de postes de psychologues (4000, certes au salaire misérable actuel), dans le service public totalement sinistré, dans les CMP, dans les écoles, dans les universités et autres secteurs du service public. C’est d’ailleurs l’une des options qu’avaient préconisées les rapporteurs de la Commission des affaires sociales en juin 2023, après l’évaluation du dispositif et le constat de son fiasco.

Si pour des raisons financières les citoyens ne consultent pas et que leur état psychique se dégrade, est-ce parce que le providentiel et inadapté dispositif MonSoutienPsy manquait, ou bien parce que pour obtenir un rendez-vous gratuit en CMP ils doivent attendre 6 mois, 1 an voire 2 ans ?

Enfin, si la CNAM se félicite de l’assouplissement de ce dispositif, et notamment de la suppression de la prescription médicale, elle oublie les termes de son dernier rapport annuel, dans lequel elle préconise un « renforcement du dispositif » par un « cadrage » des séances, de leur durée, et des mécanismes favorisant les « échanges entre professions de santé », tout cela pour les « indications plus sévères ». Autrement dit, le pire dans le processus de paramédicalisation est encore devant nous ! Et la CNAM prévoit même de capturer le travail des psychologues dans la « carte vitale » !Nous rappelons que la psychologie est une science « humaine », et que la santé mentale n’est pas qu’une affaire de médecine, elle est aussi une affaire d’humanité, et les sciences humaines ont toute leur place dans la prise en compte de la souffrance psychique. La profession de psychologue n’est pas paramédicale !

 

Ne nous laissons pas duper et piéger ! La Convergence des Psychologues en Lutte soutient le boycott de MonSoutienPsy jusqu’à son abrogation et le redéploiement des moyens qui lui sont alloués !

Si par la suite les pouvoirs publics souhaitent faire appel à la solidarité nationale pour que les consultations des psychologues libéraux soient prises en charge, il faudra travailler avec l’ensemble des organisations professionnelles – et non pas sans les psychologues ni en dénaturant leurs pratiques – pour élaborer des conditions de prises en charge qui respectent les patients et la profession, et qui garantissent l’indépendance et la non-paramédicalisation des psychologues. D’ailleurs les modalités d’une prise en charge des consultations de psychologues ne sont pas vouées à passer inexorablement par les CPAM !

 

 

 

 

Par Roland Gori, à lire dans Libération