Texte d'Albert Ciccone à propos de la 6ème année pour les psychologues

 

Bonjour,

Le projet d’une 6e année de formation, qui menaçait depuis longtemps, est plus qu’en marche, comme nos collègues du Syndicat National des Psychologues nous l’ont signalé. Il est déjà ficelé et le gouvernement souhaite aller très vite pour le mettre en œuvre.

Comme à son habitude, il a organisé une mascarade de consultation de la profession, en invitant seulement quelques organisations qui ne représentent nullement l’ensemble des professionnels et encore moins l’ensemble des universitaires qui forment les psychologues (certaines de ces organisations sont par ailleurs connues pour travailler de concert avec ce gouvernement et être utilisées comme caution lorsqu’il impose des dispositifs contraires aux principes de notre profession, dispositifs qui sont refusés et boycottés par le plus grand nombre). Après seulement deux réunions de deux heures (et une troisième consentie qui aura lieu début mars), ce gouvernement compte décider de l’avenir de la formation et de la profession ! Et il a même déjà prévu d’élaborer un référentiel pédagogique en avril ou mai, tout va très vite !

Ce pouvoir met en place toutes les conditions pour soumettre les psychologues et les contraindre à se plier à ce qu’il a décidé autoritairement et arbitrairement, en restant totalement sourd aux propos de la profession qu’il n’écoute jamais.

Les promoteurs de ce projet, qui se présentent comme représentant la profession, assurent que cette 6e année entre dans le cadre du LMD et valorisera les psychologues. Ce n’est là qu’un leurre, une supercherie. La seule mesure qui entrerait dans le LMD est, par définition, un doctorat professionnel, de 3 années minimum, organisé autour de stages intensifs, rémunérés (et non « gratifiés »), avec un vrai travail de thèse, personnel et impliqué, fait par l’étudiant, à partir de sa pratique – et non une validation de contenus pédagogiques qui n’ont d’autres finalités qu’un formatage imposant une idéologie et donnant l’illusion de « compétences » acquises. Seul un doctorat professionnel, pour tous les psychologues, revaloriserait la profession, lui garantirait le statut qu’elle aurait toujours dû avoir, et la mettrait à l’abri des attaques incessantes des pouvoirs publics et du pouvoir médical.

Mais là il n’en est rien. Aucune revalorisation et aucune protection des psychologues ne découlera de cette mesure imposée ! On peut au contraire raisonnablement penser que cette 6e année est un aspect de ce qui fera suite à MonPsy (car le pire est à venir), et dont l’objet est d’exclure progressivement les psychologues cliniciens de l’hôpital, du service public, de toute activité de soin psychique, pour les remplacer par des « psychologues en santé », totalement inféodés au pouvoir médical, et qui seront formatés pour réaliser des actes paramédicaux, obéissant à la norme dictée par l’État.

Quelles que soient nos protestations jamais entendues, nos propositions jamais prises en compte, ce gouvernement continue implacablement son travail de destruction de notre pratique.

Il mettra en place cette mesure, car il a été capable de réaliser tout ce que les gouvernements précédents ont rêvé de faire mais n’ont jamais osé. Il a acté la disparition de la psychopathologie remplacée par les TND et leur principes désubjectivants, il a fait les PCO et la standardisation normative et contrainte des pratiques, il a fait MonPsy et autres dispositifs méprisants à l’égard de la population et des psychologues et dont on observe régulièrement les effets délétères. Il fera la 6e année, qui sera dommageable pour l’ensemble de la profession, pour le titre de psychologue, et surtout pour la pratique des psychologues cliniciens.

L’heure est grave. Les professionnels se mobilisent, et tous ceux qui sont directement concernés doivent les rejoindre ! Les universitaires, les maîtres de stage, qui forment les psychologues. Et les étudiants eux-mêmes. Si nous ne voulons pas assister à l’enterrement de notre profession, après une lente agonie programmée, nous devons réagir très fortement et très rapidement pour arrêter le rouleau compresseur en marche. Sinon les psychologues que nous formons, surtout les psychologues cliniciens, seront empêchés de travailler, à moins de se soumettre au formatage, certainement paramédical, d’une 6e année qui leur conférera le droit de pratiquer comme simple auxiliaire médical, technicien agréé par le bras armé du ministère de la santé, les ARS, et inféodé à la médecine (la « vraie », celle qui est « scientifique »).

Soyez vigilants, informez-vous, partagez les informations, rejoignez les organisations qui s’indignent (les communiqués de plusieurs d’entre elles sont en pièces jointes), et faites savoir votre désaccord ! Il nous faut défendre et faire respecter la profession de psychologue, et tout particulièrement la pratique des psychologues cliniciens, dans toute sa diversité, pratique qui est ici la plus menacée.

Si la formation des psychologues doit être repensée, améliorée, cela ne peut se faire qu’en respectant les professionnels et en concertation avec l’ensemble des acteurs : praticiens, universitaires, étudiants, et toutes les organisations qui les représentent réellement. Ce projet ne vise qu’à soumettre autoritairement les psychologues, et tout particulièrement les psychologues cliniciens qui refusent la paramédicalisation !

Il est urgent de se mobiliser, dans les collectifs de psychologues comme dans les universités !

Bien cordialement.

Albert Ciccone

Par Roland Gori, à lire dans Libération