Trop de gestion tue le social : Essai sur une discrète chalandisation

Chauvière

Les idées néolibérales progressent aujourd'hui par le social. N'ayant plus les moyens économiques de notre modèle historique, il nous faudrait impérativement réduire la voilure, rationaliser le système, nous ouvrir à la concurrence et au marché. Autrement dit, déréguler ce qui peut l'être, améliorer la gouvernante à grand renfort de consultants, renforcer le contrôle des opérateurs et professionnels sur fonds publics et renvoyer le reste au gré à gré ou au caritatif. Exit les idéaux de solidarité nationale, d'émancipation ou d'éducation, le social entre à son tour dans le monde des affaires. Il en est ainsi du côté de l'aide à domicile (dépendance et handicap), de l'insertion, de la petite enfance, de la protection judiciaire, de la formation... Comment opèrent ces changements ? Quelles en sont les conséquences pour l'action sociale organisée ? Pourquoi les avons-nous laissés s'installer ? Que devons-nous défendre maintenant ? A travers l'analyse du nouveau lexique, largement inspiré de l'entreprise, qui s'est imposé dans tout le secteur social (services à la personne, démarche qualité, privilège de l'usager, performance, évaluation, etc.), Michel Chauvière montre que celui-ci est dénaturé et asphyxié par un processus de " chalandisation " qui formate les consciences, sape les fondamentaux de l'engagement et prépare à accepter plus de privatisations des services et une plus grande hégémonie de la gestion. Mais rien n'est définitivement joué !

 

Michel Chauvière est directeur de recherche au CNRS, membre du Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA) CNRS/Paris-II. Ses travaux portent sur les politiques du social et du familial. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment Le Travail social dans l'action publique. Sociologie d'une qualification controversée (Dunod, 2004).Il a aussi codirigé avec Jean-Michel Belorgey et Jacques Ladsous Reconstruire l'action sociale (Dunod, 2006) et avec Michel Borgetto Qui gouverne le social ? (Dalloz, 2008).